Réflexions sur la crise de l’Eglise

Chers amis, nous vous partageons ci-dessous un article inédit de l’abbé Du Thail, une réflexion qui va être d’actualité dans quelques jours avec la fin du synode organisé par le pape François, dont les conclusions risquent d’être catastrophiques (certains parlent d’un Vatican III).

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Dans le livre La maçonnerie de Philippe Ploncard d’Assac, on peut lire ces intéressantes réflexions de l’auteur sur la crise de l’Église :

« Quant à Jean-Paul II on connaît ses imprudences œcuméniques : Assise ; ses contacts avec le B’naï B’rith, qui eut une grande influence sur Vatican II ; sa visite au grand rabbin de Rome ; la célébration de la fête juive de la Hanouka au Vatican par le cardinal australien Edward Cassidy, le 20.1.1998 ; sa prière au Mur des Lamentations à Jérusalem ; la construction d’ « une nouvelle église sans croix, selon les plans de l’architecte juif Richard Meir » dans le quartier de Tor Tre Teste, à l’occasion du jubilé de 2000 ; ses repentances envers le judaïsme, etc. On pourrait en conclure que désormais la vérité et l’erreur sont sur le même plan, qu’il n’y a plus de jugement de valeur, plus de dogme enseigné, ce qui serait le triomphe de l’idéologie maçonnique antidogmatique. Ainsi, insensiblement, la religion catholique, se serait vidée de ses symboles et de ses dogmes, aurait évolué vers le New Age, imprégné du Noachisme talmudique. En cela, le Maçonnisme triompherait. Est-ce bien cela ? L’ensemble de ces décisions néfastes, sont-elles suffisantes pour accréditer la thèse que ces papes ont sciemment œuvré pour la maçonnerie, que « Rome a perdu la foi » ? Cela, nous n’avons pas le droit de !’affirmer, car nous ne pouvons pas sonder les intentions, mais seulement analyser les conséquences de leur politique. Elles ont été dramatiques pour l’Église et la société […]

N’ont-ils pas uniquement péché, soit par méconnaissance du travail de sape maçonnique, soit par peur de schisme en constatant le degré d’invasion de l’Église ? N’ont-ils pas seulement, par une mauvaise analyse de la situation et sans doute poussés par leur propre formation moderniste, essayé de temporiser, de « neutraliser » l’ennemi par des simagrées, sans comprendre qu’ils ne faisaient que le renforcer ? Cela, Dieu seul le sait. Nous avons seulement à tirer les leçons et à aider au changement de direction, car rien n’est jamais définitif. En effet, nombre d’autres décisions vaticanes vont dans le bon sens et démontrent les luttes d’influence au sein de l’Église. Le 26 novembre 1983, le pape Jean-Paul II approuvait la publication par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, d’une déclaration sans équivoque, signée du cardinal Ratzinger : « Le jugement négatif de l’Église vis-à-vis des associations maçonniques reste le même, puisque les principes de ces associations ont toujours été jugées incompatibles avec la doctrine de l’Église ». « C’est pourquoi l’inscription à ces associations est interdite » et, afin d’éviter tout laxisme de certaines conférences épiscopales, la déclaration précisait : « Il n’appartient pas aux autorités ecclésiastiques locales de prononcer sur la nature des associations maçonniques un jugement qui implique des dérogations à la Déclaration faite par cette Congrégation le 17 février 1981, touchant à l’adhésion de catholiques à la Franc-maçonnerie ». Cette nouvelle condamnation de la maçonnerie faisait suite à une étude de plus de dix ans sur toutes les obédiences, sur leurs propres manuels du premier stade de la maçonnerie, la maçonnerie bleue, pourtant la moins avancée dans le secret maçonnique et son luciférianisme ! […]

Dans le même temps les théologiens déviants, Küng, Drewermann, Cardonnel, étaient mis à l’écart. En 2003, le Vatican partait en guerre contre le New Age issu des élucubrations gnostiques des Helena Blavatsy, Annie Bailey et autres Rudolf Steiner, René Guénon, Krishnamurti, « annonçant une nouvelle religion universelle fondée sur la seule conscience de l’homme ». Ce qui est rejoindre le « libre arbitre » protestant et le « libre examen » maçonnique, tous deux refusant le dogme catholique… Dans un document publié le 3 février 2003, le Vatican condamnait cette « utopie explicitement antichrétienne », cette « réponse trompeuse donnée par le Nouvel Âge à la soif spirituelle de l’homme » et concluait que « si l’Église ne veut pas être accusée de rester sourde aux aspirations des hommes, ses membres doivent être ancrés plus fermement dans les fondements de leur foi ». « Ils doivent percevoir le cri, souvent silencieux, qui s’élève du cœur des hommes et qui les porte ailleurs, s’ils ne trouvent pas une réponse dans l’Église ». C’était reconnaître que les errements qui troublent l’Église depuis Vatican II, font fuir nombre de fidèles. Dans un recueil d’entretiens de Jean-Paul II, publiés sous te titre « Entrez dans l’espérance », il s’interrogeait : « Le Concile a-t-il vraiment ouvert toutes grandes les portes pour faire entrer dans l’Église les hommes d’aujourd’hui ou bien a-t-il plutôt provoqué la fuite des fidèles, des communautés religieuses et humaines » ? Et il répondait à son interrogation : « La seconde branche de cette alternative correspond jusqu’à un certain point, à la réalité, surtout si l’on regarde l’Église en Europe occidentale ». Ainsi, progressivement, les conséquences néfastes de Vatican II éclatent aux yeux des responsables de l’Église. Si l’on en juge par ces textes et ces décisions, il y a insensiblement une reprise en main de l’Église comme si, au bout de l’illusion œcuménique avec les francs-maçons, les Juifs et les théologies déviantes, ses responsables étaient arrivés devant le précipice et épouvantés, reculaient. Les conséquences de ces erreurs sont graves, certains perdant la Foi, d’autres se murant dans un refus de l’Église, considérée comme le mal. Ces deux réactions sont erronées car elles oublient la promesse du Christ : « les portes de l’Enfer ne prévaudront pas » et laissent place libre au modernisme maçonnique […]

Nous ne connaissons pas les pesanteurs qui agissent sur Rome, mais nous avons un aperçu avec la sordide affaire Loge P2-Marcinkus-Banque Ambrosiano (note 1), véritable coup monté maçonnique, contre l’Église. Ceci, ajouté au poids d’un clergé moderniste qui n’entend pas se laisser déposséder de ses positions, laisse sans doute peu de marge de manœuvre. C’est là que la Tradition doit faire contrepoids aux modernistes qui occupent la place et en cela la perspective du retour de la Fraternité Saint-Pie X dans l’Église peut changer la donne (note 2). Certes, à côté des rectifications de Benoît XVI sur Assise, sur les protestants, sur l’interdiction de prêtres homosexuels, qui provoquent des réactions modernistes furieuses, certaines déclarations surprennent : Son discours à l’ambassadeur de France au Vatican, ses déclarations au grand rabbin de Rome, Di Segni, pourtant furieux des silences de Benoît XVI à Auschwitz. Cela semble contradictoire, mais ce n’est pas en claquant la porte que l’on pourra convaincre le Vatican de l’erreur de certaines positions, mais en étant dedans pour informer et peser. Il n’est que de voir l’inquiétude actuelle [2006] des milieux modernistes, maçonniques, protestants et juifs, pour comprendre à quel point ils craignent de perdre leur influence sur cette Église qu’ils croient avoir définitivement « occupée ». On les comprend lorsque l’on connaît le mot du cardinal Ratzinger, au sujet de l’omnipotence des conférences épiscopales : « La vérité peut seulement se trouver. » « Elle ne sort jamais d’un scrutin ». « Ce serait substituer au pouvoir de la vérité, la vérité du pouvoir. » « L’unanimité des votants ne saurait engendrer ni constituer la vérité : elle ne devrait être que le témoignage. » Quelle meilleure condamnation de la démocratie issue du complot maçonnique de la Révolution de 1789, que cela ?! »

Intéressantes réflexions, disions-nous, car basées sur des faits et changeant un peu de la litanie commune dans nos milieux de toutes les aberrations conciliaires qui, loin de toujours profiter à la Tradition, peut aussi bien faire fuir le néophyte à toutes jambes loin d’une Église dans un tel état ; cela l’attire aussi trop souvent dans les chemins tortueux du sédévacantisme ou de la religion prétendue orthodoxe, quand elle ne le maintient pas simplement dans un athéisme pratique. En effet, si la litanie des aberrations conciliaires repose elle aussi sur des faits, elle en ignore aussi d’autres, et donne donc une vision partielle et partiale empreinte de défaitisme et de fatalisme. Regarder la réalité en face, avec toutes ses composantes, permet une vision plus équilibrée qui, sans être d’un optimisme béat absolument hors de saison, n’est pas totalement dénuée de motifs d’espérance et nous rappelle que, quelque soit la puissance apparente de nos ennemis, la partie n’est pas jouée d’avance, tout n’est pas fichu, et que de toute façon l’Église étant le Corps mystique de Notre Seigneur Jésus-Christ, elle ne sera jamais abattue, et étant par essence apostolique et visible, elle ne sera jamais réduite à « l’église des familles » chère à certains traditionalistes, visiblement pressés de se débarrasser du clergé…

Contre ces tentations défaitistes contraires à la Foi, il faut se rappeler que, même quand c’est un pape imprégné de modernisme comme Jean-Paul II qui utilise son infaillibilité pontificale, il le fait dans un sens tout à fait traditionnel pour affirmer l’impossibilité du sacerdoce des femmes (lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis de 1994). On peut aussi se souvenir des rappels constants de la doctrine catholique sur la contraception, l’avortement ou l’homosexualité par Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, rappels qui ont toujours scandalisé le monde politico-médiatique et ne sont pas pour rien dans l’hostilité constante du Nouvel Ordre Mondial envers l’Église catholique malgré les reniements, soumissions et nombreuses autres reptations, à tous les niveaux de la hiérarchie, de clercs progressistes en mal de reconnaissance mondaine.

Il est bon de savoir également que, malgré les hurlements d’horreur de la gauche espagnole, Jean- Paul II, Benoît XVI et François ont reconnu et béatifié 2095 martyrs de la guerre d’Espagne victimes des « républicains », qui étaient évidemment du côté du général Franco, héroïque libérateur de l’Espagne ; 11 de ces martyrs ont été canonisés par Jean-Paul II. De même, de nombreuses victimes du communisme en Europe de l’Est ou en Asie ont été reconnues martyres et béatifiées. Ce fut notamment le cas du cardinal Alojzije Stepinac, archevêque de Zagreb et soutien du régime nationaliste croate des Oustachis, allié de l’Allemagne nationale-socialiste et de l’Italie fasciste, condamné et emprisonné après-guerre par le régime de Tito pour collaboration, reconnu martyr et béatifié par Jean-Paul II en 1998 malgré l’hostilité de la communauté serbe et du Centre Simon-Wiesenthal. Plus discrètement, ce fut aussi le cas d’un évêque grec-catholique ukrainien, Mgr Josaphat Kocylovskyj, évêque de Przemysl, proche des nationalistes ukrainiens et soutien de la division SS Galicie durant la Seconde Guerre Mondiale, mort en 1947 dans un camp de travail soviétique en résistant aux pressions visant à le faire rompre avec Rome pour rejoindre le Patriarcat de Moscou : reconnu martyr, il est béatifié par Jean-Paul II en 2001.

De manière encore plus étonnante, des victimes de la sacro-sainte « Résistance » ont aussi été reconnues martyres. C’est le cas des martyres de la Drina, cinq religieuses violentées et assassinées en Bosnie-Herzégovine en 1941 par des Tchetniks, résistants royalistes et orthodoxes serbes : elles sont reconnues martyres et béatifiées par Benoît XVI en 2011. C’est aussi le cas du jeune séminariste italien Rolando Rivi, assassiné par des partisans en 1945, reconnu martyr et béatifié en 2013 par François (note 3). Par ailleurs, notons que 38 « cristeros » mexicains ont été reconnus martyrs et béatifiés par Jean-Paul II et Benoît XVI.

Loin d’être anecdotiques, ces béatifications et canonisations sont importantes puisqu’elles accordent un culte public à des personnes dont l’Église reconnaît l’héroïcité des vertus, les érigeant en modèles pour les fidèles : les saints ont toujours pris en exemple d’autres saints les ayant précédé, et les hagiographies ont toujours fait partie intégrante de la prédication de l’Église, d’où le danger et le scandale de béatifications et canonisations douteuses (papes conciliaires, « martyrs » disciples de la théologie marxiste de la libération, etc.). On comprend alors la colère des bien-pensants, et notamment de la communauté juive, lorsque Jean-Paul II béatifie en l’an 2000 son lointain prédécesseur Pie IX, le pape anti-libéral du Syllabus et du concile Vatican I, par ailleurs partisan du maintien de la législation anti-juive élaborée par les conciles médiévaux.

De manière plus anecdotique, on peut relever la bénédiction apostolique accordée le 11 décembre 1991 par le pape Jean-Paul II au très sulfureux Léon Degrelle, alors que celui-ci n’avait pas manqué de critiquer sa visite à Auschwitz, et les propos très politiquement corrects qu’il y avait tenu, dans sa Lettre au Pape (1979). Le même Jean-Paul II avait encouragé quelques années plus tôt Jean-Marie Le Pen à s’opposer « avec vigueur à la décadence de l’Europe », selon le témoignage du fondateur du Front National, confirmé par Bernard Antony, lui aussi présent. Évidemment, cela n’efface ni le scandale d’Assise ni la honteuse pseudo-excommunication de Mgr Lefebvre, mais cela aussi a eu lieu, et il est bon de regarder la réalité telle qu’elle est, complexe et souvent très grise, plutôt que de s’en tenir à des schémas manichéens simplistes menant à des impostures.

Comme l’a dit Notre-Dame à Akita, au Japon, le 13 octobre 1973 (apparition authentique reconnue par l’Église et prouvée par des miracles) : « Chaque jour, récitez les prières du rosaire. Avec le rosaire, priez pour le pape, les évêques et les prêtres. Le travail du diable s’infiltrera même dans l’Église de manière que l’on verra des cardinaux s’opposer à des cardinaux, et des évêques contre d’autres évêques. Les prêtres qui me vénèrent, seront méprisés et combattus par leurs confrères. L’Église et les autels seront saccagés. L’Église sera pleine de ceux qui acceptent des compromissions et le démon pressera de nombreux prêtres et des âmes consacrées à quitter le service du Seigneur. Le démon va faire rage en particulier contre les âmes consacrées à Dieu. » Alors plutôt que de se réfugier dans des commentaires cyniques et désabusés sur les réseaux sociaux, ou de pérorer doctement et sarcastiquement dans des vidéos youtube, anathémisant tous ceux qui sont en désaccord, restez fidèles à la Sainte Église Catholique, Apostolique et Romaine, à sa Tradition immuable et à son enseignement bimillénaire et, suivant le conseil de Notre-Dame d’Akita, « Chaque jour, récitez les prières du rosaire. Avec le rosaire, priez pour le pape, les évêques et les prêtres. »

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Notes :

1 : Affaire dite « de la Banque du Vatican », sans doute liée à la mort prématurée du pape Jean-Paul Ier (1978).

2 : Ceci était écrit en 2006, au début du pontificat de Benoît XVI ; aujourd’hui, avec François et surtout après le motu proprio Traditionis Custodes, cette régularisation de la FSSPX, qui entraînerait sa soumission au Vatican, paraît beaucoup moins opportune voire même dangereuse

3 : Voir notre article Le petit saint et les grands résistants dans le magazine Réflexions n°4.