La réforme de la démocratie proposée par la gauche réalise l’exploit d’être pire que notre démocratie actuelle…

J’ai découvert, grâce à la primaire de la gauche, le concept de « jugement majoritaire ».

Nous connaissions déjà le scrutin majoritaire : il s’agit d’un scrutin où celui qui obtient la majorité des voix l’emporte sur les candidats minoritaires. C’est le système que nous connaissons actuellement, qu’on appelle « démocratie » mais qui rime finalement avec « dictature de la majorité ». C’est en cela que je ne suis pas démocrate.

Mais ce que la gauche entend par la dénomination « jugement majoritaire », qui se veut un système bien meilleur que le scrutin majoritaire, ce n’est pas ça du tout, c’est une invention magique et absolument hors-sol qui permet de se choisir un candidat sans rien connaître de lui, sur la simple foi aveugle en ce qu’il a fait imprimer dans sa profession de foi. Concrètement, voici comment c’est présenté par la gauche :

Dans une élection au jugement majoritaire, celui qui remporte l’élection est celui qui recueille le plus de jugements favorables. Les candidats qui dépassent 50% de « jugements favorables » sont qualifiés pour le départage final. Ce départage consiste à donner la victoire au candidat qui a obtenu des jugements plus favorables que les autres (exemple : avoir une majorité de « très bien » alors que les adversaires ont une majorité de « assez bien »).

En ce qui concerne la primaire de la gauche, les électeurs devront attribuer aux candidats des mentions « très bien », « bien », « assez bien », « passable » ou « insuffisant » en fonction de la question suivante : Pour faire gagner l’écologie et la justice sociale à l’élection présidentielle, j’estime que chacune de ces personnalités serait…

C’est là l’un des trois principaux problèmes de cette réforme du scrutin censée, entre autres pouvoirs magiques, résoudre le problème de l’abstention : cela nécessite qu’une autorité supérieure aux électeurs pose la question sur laquelle on a le droit de voter, voilà qui n’est pas très… démocratique.

Le deuxième problème c’est la ou les questions elles-mêmes : si mon seul sujet de préoccupation c’est le remplacement de mes frères de sang par des hommes venus d’Afrique, pourquoi devrais-je me pencher sur un questionnaire de ce type :

  • Pour relever le minimum vieillesse, pensez-vous que ce candidat serait…
  • Pour lutter contre le réchauffement climatique, pensez-vous que ce candidat serait…
  • Pour enclencher la légalisation du cannabis, pensez-vous que ce candidat serait…

On m’obligerait à m’intéresser à des sujets dont je me contrefiche, on me forcerait à me positionner sur des sujets que je considère d’un intérêt nullissime, c’est clairement tyrannique.

Le troisième problème que je vois à ce stade, c’est qu’en obligeant l’électeur à se transformer en scrutateur passionné des professions de foi, on écarte tout ce qui sépare l’homme de la machine : le ressenti, la bonne ou la mauvaise impression, notre instinct, le jugement du physique et du comportement, l’éventuel passif du candidat, etc.

Cette histoire de « jugement majoritaire » est un mélange assez classique d’infantilisation et de tyrannie, c’est donc une proposition nocive à proscrire.

Mais en parlant de gauche et de tyrannie, deux termes qui vont si bien ensemble, on peut également s’interroger sur qui seraient les candidats autorisés à concourir dans un pays de gauche qui appliquerait son propre sens de la démocratie.

Dans le système actuel, il y a déjà l’énorme scandale des 500 signatures qui visent à éliminer ou à épuiser les candidats n’appartenant pas aux gros partis aux pouvoirs, ce qui est un retour par la fenêtre du « régime des partis » chassé par la grande porte en 1962.

Mais en plus de cela, une femme politique de gauche comme Sandrine Rousseau, conseillère du candidat écologiste Yannick Jadot, est prête à ajouter des prérequis absolument arbitraires. Par exemple, interrogée sur la possibilité que le populaire Éric Zemmour, qui écrase largement les audiences des autres candidats, puisse ne pas concourir à l’élection présidentielle à cause du barrage des 500 signatures, elle déclare ceci : Que les idées les plus extrêmes, les plus fascistes ne soient pas à la présidentielle, non, ce ne serait pas un problème pour la démocratie.

Nous y sommes : la démocratie c’est pas pour les fachos, c’est-à-dire qu’il est normal d’exclure du mécanisme d’accession démocratique au pouvoir ceux qui ne pensent pas comme la gauche.

La réforme de la démocratie que propose la gauche réalise l’exploit d’être pire que notre démocratie actuelle, c’est une performance qui force l’admiration…