Pas de satanistes chez nous !

J’ai l’honneur de partager ci-dessous une mise en garde essentielle de Monsieur l’abbé Du Thail. Il y a des sujets qu’on ne peut pas traiter à la légère. Bonne lecture.

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Monsieur Christian Bouchet est depuis plusieurs décennies ce qu’on peut appeler une personnalité du « milieu nationaliste », étant un des chefs de file du courant nationaliste révolutionnaire et ayant été un cadre politique au MNR de Bruno Mégret puis au Front National. Il n’en fait pas moins régulièrement l’objet d’accusations assez graves mais qui paraissent assez fantaisistes et extravagantes, surtout qu’elles viennent trop souvent (mais pas toujours) de personnes peu réputées pour leur sérieux et/ou leur sens de la nuance : l’entendre accusé d’être un « sataniste homosexuel et pédophile » paraît tellement excessif que cela ne suscite souvent qu’un haussement d’épaules ou de l’ironie.

Pourtant, M. Bouchet n’a jamais nié son intérêt pour l’occultisme en général et en particulier pour Aleister Crowley (1875-1947), franc-maçon britannique qui se faisait tout simplement appeler « la Bête 666 » et qui fut membre de plusieurs sociétés secrètes occultistes et magiques (Ordre hermétique de l’Aube dorée, Astrum Argentum, Ordo Templi Orientis [OTO]) où ce bisexuel débauché pouvait s’adonner à la « magie sexuelle » et à la consommation massive de drogues. Ce personnage bien peu reluisant fascine pourtant M. Bouchet, qui voit en lui (à tort ou à raison) le véritable maître à penser de Julius Evola, dont il se revendique.

Certes, M. Bouchet a dit et répété qu’il n’était pas sataniste, et s’il reconnaît avoir fréquenté l’OTO, l’Aube dorée, les martinistes (courant maçonnique cabaliste) ou les obédiences maçonniques dites « égyptiennes » (s’inspirant du paganisme égyptien, ésotérique et même occultiste), il l’a fait dans le cadre de ses études (sa maîtrise d’histoire puis sa thèse d’ethnologie, toutes les deux sur Crowley) : c’est ce qu’il disait notamment en 1997 en réponse à une enquête de la revue catholique de gauche Golias.

Pourtant, le même M. Bouchet affirmait en l’an 2000 dans la revue Murmures d’Irem : « Quant à moi, pour conclure, je ne fais quasiment aucune différence entre mon engagement politique et mon engagement occultiste. J’ai la conviction que l’un et l’autre participent à un engagement plus vaste et réellement existentiel. En ce qui concerne le champ ésotérico-occultiste : [mes projets sont] développer le mouvement thélémite [‘thelema’ est le nom de la doctrine occultiste de Crowley] en Europe et en France et faire prospérer les éditions du Chaos [éditant des ouvrages sur Crowley et l’occultisme]. » C’est tout de même beaucoup de zèle pour quelqu’un censé s’y être intéressé uniquement dans le cadre de ses études…

Par ailleurs, on ne peut s’empêcher d’avoir quelque scepticisme sur ses dénégations quand on lit ce qu’il disait lui-même dans un discours à Moscou, à l’occasion du colloque Révolte contre le monde post-moderne du 15 octobre 2011 : « Quant aux versions les plus ésotériques voire occultistes ou noires de la Tradition européenne, notre voie de la main gauche en quelque sorte, l’héritage d’Aleister Crowley, de Maria de Naglowska, de Nicolas Roerich ou de Georges Gurdjieff [ces trois derniers étant des occultistes russes de la même époque] et de bien d’autres, je crains que nombre de ceux qui s’y rattachent ne soient plus dans l’exhibitionnisme, ou dans la pratique d’une subculture juvénile, que dans la recherche traditionnelle. Je ne déconseillerai pas leurs pratiques mais, pour échapper à ces travers, je conseillerai de le faire dans la plus grande discrétion, en pratiquant ce que nos frères musulmans nomment la taquia [la dissimulation]. »

Ce texte prend une résonance toute particulière quand on sait que, depuis maintenant des années, M. Bouchet, sans rien renier de son goût pour l’occultisme, s’affirme catholique et dont les publications sur les réseaux sociaux paraissent, pour une partie d’entre elles, d’un bon catholique traditionaliste et contre-révolutionnaire. En fait, et il le reconnaît lui-même, c’est un « traditionaliste », non pas comme Mgr Lefebvre mais comme René Guénon, Julius Evola, ou son grand ami (et autre occultiste notoire) Alexandre Douguine. Pour eux, il n’y a pas une vraie religion mais des traditions plus ou moins bonnes suivant si elles se rapprochent ou non de la Tradition primordiale. En effet, selon Douguine, « chaque tradition religieuse ou culte local, même le plus insignifiant, est le patrimoine de toute l’Humanité. Les religions traditionnelles des peuples, reliées aux divers héritages spirituels et culturels, méritent la plus extrême attention et le plus grand intérêt. » On comprend maintenant comment le « catholique » Christian Bouchet peut affirmer tranquillement : « En soi, il n’y a pas de mal à être cabaliste, frankiste, klystr[?], etc. Ce sont juste des traditions qui ne sont pas les nôtres ». Nous rappelons que pour la religion catholique, apostolique et romaine, il n’y a qu’une seule religion car il ne peut y avoir qu’une seule vérité, nul ne peut être catholique s’il n’adhère pas à ce dogme révélé, par ailleurs accessible par le simple usage de la raison.

M. Bouchet ne s’est pas toujours proclamé catholique : dans les années 1990, il se disait tout simplement athée et était même violemment anti-catholique, comme nous pouvons en juger par sa réaction au massacre des moines de Tibhirine (Algérie), article écrit dans sa revue Lutte du peuple hebdo du 27 mai 1996 et intitulé tout simplement 7 de moins ! (Attention, les propos qui suivent sont susceptibles de choquer) : « Il parait que le corps humain contient plusieurs respectables litres de sang. Et un moine ? Combien de litres de foutre croupi, de pus fossilisé et d’humeurs rances ? A-t-on une seconde pensé au sale boulot qu’a dû entreprendre l’égorgeur du GIA ? (…) Ah les disciples d’Allah qui font à autrui ce que ces truies ont fait aux Saxons de Verden… Ah les sympathiques primitifs qui coupent au couteau ébréché la peau délicate des gorges offertes… ».

Évidemment, nous, chrétiens, devons toujours être accueillants envers les pécheurs repentants s’ils sont sincères, quel que soit le degré de haine manifesté antérieurement, et si M. Bouchet regrette ses écrits (ceux-ci et d’autres), nous lui pardonnons bien volontiers. Mais il y aurait d’autres choses à lui demander : pourquoi, si son intérêt pour l’occultisme est purement documentaire, se disait-il, dans une note officielle de son mouvement « Nouvelle Résistance » datée du 10/01/1992, « inquiet des rumeurs internes critiquant mon appartenance à l’ordre de Thélème, OTO et AA [Astrum Argentum ?] (Aleister Crowley) et mes activités ésotériques (au caractère strictement privé) au sein d’organisations orientalistes », il parlait bien là « d’appartenance » et non seulement de « fréquentation », d’autant plus, si on en croit un reportage encore visible sur internet, quand une réunion « luciférienne » de l’OTO a lieu à son domicile ? Et pourquoi ces allusions récurrentes à Crowley, et ces publications sur les réseaux sociaux, discrètes mais suffisamment explicites, d’images à caractères satanistes ?

Alors, M. Bouchet pourra s’en tirer comme d’habitude en insultant copieusement ceux qui le critiquent, et en évitant de répondre sur le fond. Nous ferons néanmoins remarquer au lecteur que nous ne l’accusons ni de pédophilie, ni d’homosexualité, ni de quoi que ce soit non prouvé par des sources. Si ces sources sont fausses ou mal interprétées, qu’il nous l’explique : nous serions heureux de l’entendre et reconnaîtrions notre erreur, et comme cela toutes ces sources accessibles à tous (nous n’avons fouillé aucune poubelle ni espionné personne) seront définitivement décrédibilisées. En revanche, s’il continue de ne répondre que par des insultes et ne répond précisément à aucune critique, il faudrait tout de même que les nationaux en général et les catholiques en particulier se posent réellement la question de la fréquentabilité de M. Bouchet.